Blind Date 6

Il est 21 hres, l'heure du dîner. Le salon de thé est moyennement bondé ce samedi, les amoureux sont dans leur bulles. Ici c'est l'endoir romantique par excellence, pas pour une virée entre amis.

Mais les employés préparent une rencontre. Selon l'agence de rencontre Pieddodu.

Sur la nappe d'un rouge sombre, verrerie de crital délicat et porcelaine immaculée. Des bougies lévitant partout dispensent une faible lueur, propices aux rapprochements et aux confidences.

Une musique langoureuse, jazzée et discrète, un personnel aussi souriant que discret, au service impeccable. Font la renommée de la place.


Quand vous arrivez, un majordome souriant vous acceuille et vous guide jusqu'à la table emplie de bonne choses.

(soyons logique, si vous arrivez en deuxième, incluez le premier arrivé dans votre post. A vous de jouer monsieur dame)

Samuelle jeta un œil par la fenêtre… Elle aurait reconnu cette dégaine n’importe où. Elle avait toujours su l’éviter… Se trouver en sa présence, après ce qu’elle lui avait fait, était suffisant pour la rendre mal à l’aise. Mais l’horreur n’était pas là. L’horreur était qu’il semblait être celui qui l’attendait. Quelle blague de mauvais goût… Et comme si ce n’était pas suffisant, elle était morte. La fantôme se rejeta en arrière. NON! Elle ne pouvait pas faire ça! Dans une envolée de pantoufle, elle reprit le chemin de Poudlard avant de s’arrêter au bout de quelques pas : « ARGL! » Et elle aurait l’air de quoi? D’une froussarde?

Samuelle revint au salon de thé d’un pas conquérant, traversa la porte et prit bien soin de contourner les tables pour venir se planter devant César. « Tu serais bien aimable, de me tirer la chaise, s’il te plait. »

Elle a vieillit. Ses yeux jaunes brillent toujours du même éclat, tressautant dans son orbite comme une pièce d’or sur du vif argent. Une vive intelligence. D’une stature toujours aussi imposante mais dont la chair d’adolescente a fondu, lui affilant les traits. D’une certaine manière, si elle n’était pas affublée d’un pyjama fantaisiste, elle aurait l’air vaguement dangereuse, vulpine, d’avantage hargneuse et certainement difficile.

Samuelle prit posément place sur son siège, vérifiant d’un coup d’œil qu’elle n’enfonçait pas dans le meuble… La dignité faite fantôme. Elle fixa ensuite ses yeux d’or sur son vieil ami et brusquement lui sourit d’un sourire carnassier : « Tu sais, en matière de mondanité, tu peux certainement faire mieux que ça… » énonça-t-elle d’un ton sucré, en maître de l’étiquette qu’elle était. « Je te donne l’exemple : JE SUIS MORTE!!!! » hurla-t-elle d’une voix vibrante et parfaitement maîtrisée. C’est Samuelle… Pas de doute, c’est Samuelle.

Plusieurs client demandèrent l’addition, fuyant les lieux : Ils n’allaient pas tarder à avoir un véritable tête à tête… « Allez, arrête de me faire ses yeux de porc frais et assied-toi! » ordonna-t-elle distraitement.

Elle aurait mieux fait de se fier à sa première impulsion. Maintenant il fallait rester afin de ne pas faire définitivement chavirer la raison du jeune homme.

La fantôme claqua des doigts à l’adresse du serveur : « Vous pourriez apporter qqchose de fort à mon ami, s’il vous plait? Hydromel?? » fit-elle en cherchant une lueur d’approbation chez César. Devant son absence de réaction elle acquiesça : « Oui, hydromel, oh et puis, apportez la bouteille je crois qu’on en aura besoin. »

Il fallait que l’un d’eux soit rationnel. Ce n’était pas dans les habitudes de Samuelle mais elle allait devoir s’y mettre : César était hors service. « Écoute, normalement, je ne suis pas l’élément raisonnable d’un couple… Je suis morte, n’en fais pas un drame… Calme-toi et … » Elle lui arracha le crayon des mains, visiblement agacée par son manège, et l’envoya dans le pot de fleur. « … pose ce crayon, tu vas finir par blesser qqn… »

Réalisant ce qu’elle venait de faire, Samuelle fixa le vase un instant. Elle s’éclaircit la voix : « Bon… hem… Ce genre de chose, ça m’échappe parfois… Ne fait pas attention… »

Il était sans doute temps de dire qqchose de gentil. « T’as l’air bien dit donc! » commenta-t-elle avec un grand sourire en tranche de courge tout en détaillant la mine ravagée du jeune homme… « Je suppose que tu ne me diras pas, cette fois, que je suis tellement jolie? » rigola-t-elle en tentant une touche d’humour… C’était Samuelle. Une Samuelle très rare, précieuse, qui s’était étiolée sous l’assaut des Oubliettes. Une Samuelle Daee malgré tout familière. Pour l'amour que tu m'as un jour dédié, je t'en supplie, reprend-toi! pensa-t-elle désespérément.

« Le temps ne t’a pas rendu plus prudent… » gronda-t-elle d’une voix sourde pendant qu’il enfilait l’hydromel. En effet, à une époque, il aurait été diablement imprudent de faire ce genre de commentaire… « Heureusement je me suis assouplis en vieillissant. » Un long silence s’éternisa entre eux. La fantôme le fixait de ses yeux d'or, son ectoplasme l'auréolant doucement. Une question lui brûlait les lèvres, une question qui l’avait tourmenté pendant des années. « Comment t’as fait César, c’était quoi, le truc? » Et parce que c'était dans sa nature, elle proposa un marché: « Pour cette réponse, je te cède une question... »

Son esprit était submergé de souvenirs. De l’eau noire, glaciale et sans reflets. Des cris provenant de l’intérieur, des échos, et la présence des pierres, innombrables, témoins de son meurtre. Elle n’avait pas su trouver les mots pour le raconter, pas encore. Pas même à Kaitz, surtout pas à Less. Samuelle choisie de formuler sa réponse spécialement à l’intention de César. Le pouvoir des mots. Un journaliste connait le pouvoir des mots.

Elle lui offrit, à lui, la vérité. « J’ai été noyée. »

La fantôme inclina la tête de côté, avant même qu’il n’ait pu esquisser un geste. Ses yeux d’or liquide évaluaient, mesuraient, soupesaient. Le verbe faisait toute la différence.

« Tu m’as dit un jour que je pouvais te faire confiance… C’est toujours le cas? » demanda-t-elle, en préambule. « Qui? C’est assez complexe… Je crois que tant de gens voulaient ma mort qu’ils se sont littéralement concertés pour arranger le coup. Si tu veux savoir qui en particulier s’est salit les mains, ce sont les bons… Un membre en règle de l’ordre… » lui asséna-t-elle d’un ton neutre, calme et posé. « Ils ont si bien violenté mon âme que je n’ai pas pu… tu sais? Continuer. C’est très technique : il y a les esprits hanteurs et les esprits frappeurs… Je ne suis pas très douée… » avoua-t-elle avec franchise.

C’était certainement plus qu’il n’en demandait, petite vengeance pour l’indiscrétion de la question.

Le temps ne l’avait vraiment pas rendu plus prudent. Samuelle lui lança un regard assassin. « Ce genre d’insulte est de celles qui se lavent généralement dans le sang, César… » le menaça-t-elle, horrifié par la confiance aveugle qu’il avait en elle. Il attendait trop d’elle. Il avait toujours trop attendu de sa part.

La fantôme regarda autour d’elle… « Tu es seul? Tu te cherche une compagne de vie? » osa-t-elle demander sur un ton babin, formulant soigneusement sa question. César était étrange mais elle se demandait si son esprit malade irait jusqu’à envisager de fonder quelque chose sur l’existence d’une fantôme. Une fantôme en pantoufle et en pyjama.

Samuelle voulait vivre. Vivre encore une fois. Elle avait ses projets mais seul le faune en savait qqchose. Elle refusait de lui livrer ce secret.

La fantôme s’abstient de répondre un long moment, soutenant le regard de César. Oui, qui, en effet, pouvait envisager de vivre avec un pareil fou qui n’avait même pas peur d’elle. Pourquoi aurait-il peur de toi, pensa-t-elle, il est tellement dingue qu’il est toujours amoureux de toi.

« Ça ne t’empêche visiblement pas de chercher. » releva-t-elle d’un ton neutre. La remarque de la fantôme avait néanmoins quelque chose de sarcastique. Il parlait comme s’il n’y croyait pas, mais il était pourtant là. « Je croyais que toi et toi, vous vous suffiriez, tous les 2 ensembles, sans concurrence, non? »

La fantôme fronça les sourcils soutenant encore une fois longuement le regard moussu de César. Amusée par sa réponse, agacée par le ton. Il lui avait poussé des dents depuis l’adolescence, ou quoi? Le César qu’elle avait devant elle ne lui plaisait pas : il avait qqchose d’aigu, d’acéré qui transperçait, vous mettant à nu. Or, Samuelle ne se dévoilait que si elle le voulait et chose certaine, elle n’allait pas répondre à ces questions en publique.

« C’est bien ça… Alors bonne continuation… » fit elle en se levant. L’arrogance et la prétention lui avait toujours été insupportable. « Je n’ai vraiment rien à faire ici, moi… » souligna-t-elle avant de quitter les lieux, passant allégrement au travers de l’ameublement du restaurant maintenant désert. « Tu viens? Enfin… Vous venez? »

Il jouait bien mal son rôle de petit coq. Fini l’arrogance, fini le narcissisme brutal, envolé la prétention. C’était le même gamin qui s’était un jour dévoilé dans le hall des Rocstones pour ensuite lui courir après. Cette fois encore, il l’avait rattrapée. Retenir Muelle était la meilleure chose à faire.

« Je ne suis pas en colère… » lui dit-elle d’une voix douce alors qu’un lent sourire, un peu triste, s’étirait sur ses traits. « Efface ce sourire de ta figure, je pourrais être tentée d’en abuser … » lui confia-t-elle, alors que ses traits se muaient en un sourire de loup dans la bergerie. « Marche avec moi et raconte moi ce que je dois savoir sur vous deux… J'espère que tu n'es pas devenu qqn de respectable comme Kaitz, au moins?»