Les Cahiers de Nigel

OCTOBRE 69
Angleterre, Quelque part dans une vaste clairière


Nigel J. Shaw, Chercheur de sort élite, n'était pas vraiment au boulot en ce moment. Oui, il faisait pratiquement la même chose lorsqu'il était au boulot, mais là, c'était plutôt une soif de connaissance personnelle. Il avait payé à fort prix cet indice. Parce que Nigel avait insisté et parce que la quantité de pièce devenait intéressante, le type avait finit par lui dévoiler ce qu'il voulait savoir, à savoir l'emplacement. Mais l'homme lui avait aussi dit que s'il avait l'intention d'aller voir ça, qu'il se devait d'être extrêmement prudent, que ces gens là ne plaisantait pas avec les étrangers.

Mais bon, Nigel savait ce qu'il faisait. C'était pas la première fois qu'il se glissait en douce ou se rapprochait, ni vu, ni connu, tout près d'un rituel de magie ancienne. Jusqu'à maintenant, il n'avait jamais eu de problèmes. Il savait que souvent, ces rituels si secrets étaient dangereux, voir assassins. Les sacrifices humains étaient encore parfois d'actualité et il avait vu des trucs horrible déjà. La pire fois, il avait envoyé les aurors anéantir le groupuscule de fanatiques. C'était une fausse magie, utilisée pour servir les desseins mégalomane d'un fou furieux.

Mais cette fois, il avait cru entendre que ce serait grandiose, une magie qui datait de l'Antiquité et qui n'existait plus lui avait-on dit. Il aurait peut-être été plus prudent d'être accompagné, puisqu'il semblait que ces gens là seraient beaucoup, mais il lui était plus facile de se dissimuler seul qu'à deux.

Drapé dans une cape d'invisibilité qu'il avait « emprunté » au Ministère il s'était rendu sur les dits lieux très tôt dans l'après-midi. À son grand étonnement, il y avait déjà foule. Tous vêtu normalement, un peu bohème, un peu hippie, sauf quelques uns et unes qui détonnaient par leur style gitan très prononcé. Un seul abri disponible, une simple tente blanche, qui ne devait pas abriter plus de 5 personnes. Restant à l'écart, sous la cape, il veille bien à rester assez près pour voir et entendre le plus possible, mais assez loin pour ne pas se faire détecter. De longues heures passent, c'est la fête, on danse, on chante, on discute. Puis, comme le soleil tend à disparaître à l'horizon, trois personnages font leur apparition. À leur démarche, il devine que ce sont trois femmes. Tout le monde assemblé se tait et se regroupe devant eux. Un feu immense est rapidement allumé tandis que le ciel se fait de plus en plus sombre, le crépuscule.

Les percussions se remettent à jouer et les trois personnages animaliers, une chèvre, un lion et un serpent, se mettent en mouvement. S'en suit une danse compliqués dont chaque battement de tam-tam et un mouvement différent. Les trois créatures dansent indépendamment des autres durant un long moment, puis d'un coup entament leurs mouvements an choeur. À ce signal d'autres silhouettes masqués d'une figure animale variée se joignent à eux. Autour du feu, ils dansent ainsi jusqu'à la nuit noire.

Soudainement, tout se tait, percussions, pas, mouvements, plus personne ne bouge. Enfin si, 9 personnages arborant un masque d'oiseau approchent, visiblement sorti de la tente. Ils portent chacun ce qui semble être un petit chaudron fumant. D'où il est, il n'en voit pas les détails, mais il en voit et en connaît assez pour savoir que les chaudron contiennent probablement un breuvage hallucinogène et ça se confirme lorsque chacune des 9 personne offre une lampée du contenu des chaudron aux autres. Les trois danseuses du début se voient offrir une coupe, contenant le même breuvage. Leur dose à elle sera forte, comparé à la quantité que les autres ont reçu. Elles sont visiblement des figures clés de ce rituel.

La danse reprend, mais différente cette fois, beaucoup moins rythmé, plus lente, plus gracieuse, et il n'y a plus que les percussions, probablement un violon et un autre instrument étrange ce sont mis de la partie. Puis soudain, une voix... non, deux ou trois voix s'élèvent, faisant de l'ensemble une ambiance aussi excitante que sinistre.

Envoûté, Nigel doit se faire violence pour garder assez de présence d'esprit pour ne pas approcher. S'il s'était trouvé près d'un cours d'eau ou de la mer, il aurait pu croire à des sirènes échouées. Un envoûtement, oui, c'est ça. C'était un rituel d'envoûtement pour attirer quelqu'un... ou quelque chose...

D'ailleurs, les trois figures clés pointent chacune trois personnes qui avancent, vêtues d'une tunique blanche diaphane. Ils avancent, mais leur menton repose sur leur poitrine et leurs bras pendent mollement le long de leur corps. Ils ne sont visiblement pas conscient. Le serpent, la chèvre et le lion tournent autour des trois inconscient, lentement, comme un prédateur autour de sa proie pétrifiée. Mal-à-l'aise, Nigel se dit soudainement que ces trois là ne verront pas la lumière du jour.

Les trois futures victimes sont guidées par les trois incarnations animales vers ce qui semble être un autel, qu'il n'avait pas remarqué avant. Si le serpent et la chèvre manoeuvrent avec délicatesse, le lion est visiblement plus brusque. Sa proie est jetée sur l'autel de pierre sans ménagement. Le lion pousse même l'audace jusqu'à monter aussi sur l'autel de manière fort obscène. Le lion marche sur l'autel et effectue les même mouvement purificateurs que le serpent et la chèvre, mais la délicatesse n'y est pas.

Nigel sent brusquement un sourd bourdonnement tout autour. De grandes forces agissent, il l'a rarement autant ressenti. Le serpent, le lion et la chèvre placent une main au-dessus du corps de leur proie. Tandis que la Chèvre et le serpent touchent l'épaule de lion de leur autre main, le lion lève un objet sphérique et scintillant au-dessus de sa tête. Le silence se fait, troublé par un murmure de plus en plus présent. Un incantation dont il est incapable d'entendre le moindre mots et il doute que même s'il était assez proche, il ne les comprendrait pas.

Le tout doit prendre qu'au moins 30 minutes tandis que toutes les personnes présentes ne bougent qu'à peine. Ils ont les yeux rivés sur l'autel de pierre. Le murmure est maintenant une lancinante mélopée sonore. Il entend les sons, mais il ne comprend pas les mots. Il s'en doutait. L'objet scintillant change brusquement de couleur et plusieurs personnes tournent la tête dans la direction de l'espion. Il se terre dans sa cachette, ce n'est pas le moment de se faire prendre, depuis le temps qu'il est là.

Un crépitement se fait entendre, émergeant de ce qui semble être un cristal, peut-être, et une lumière en jaillit. Embrasant l'ensemble, il ne voit rien durant quelques secondes, puis tout redevient visible. Les trois silhouettes animalières sont repliées sur elles mêmes, puis la métamorphose se fait. Chacune des silhouette prend la forme original de ce qu'elles semblent incarner. Le masque de serpent devient serpent, et ainsi de suite pour les deux autres. La foule acclame la métamorphose réussit tandis que les trois créatures gambadent et se font voir de tous et chacun. Elles font un tour de piste, à l'intérieur du ¾ de cercle qu'ils forment, puis se jettent l'une dans l'autre. Les trois corps se fusionnent pour ne former plus qu'un seul. Une chimère dans toute sa splendeur. La foule se met à scander une incantation monotone, mais puissante, il la sent d'ici. La chimère formée des trois corps tourne en rond à l'intérieur du cercle, sans une superbe parade.

Dans sa cachette, Nigel jubile. La chance qu'il a d'avoir un si parfait champs de vision ! C'est comme s'ils avaient voulu qu'il regarde, mais non, sûrement pas, ils n'ont aucune idée qu'il est là. C'est comme une porte ouverte sur leur rituel, il pourrait presque y entrer, s'il y était invité.

Plus tard, il se dira qu'il n'avait pas tout à fait tort. Il avait raison, c'était bien une porte d'entrée. Mais ce n'était pas pour lui. Un sourd grondement se fait entendre tous près de lui. La foule se tourne d'un bloc, même la chimère du cercle les regarde. Il n'ose pas bouger, mais lorsqu'il entend un craquement de brindilles juste derrière lui et un souffle chaud dans son cou, il se retourne lentement, très lentement... devant lui l'observent 3 paires d'yeux...

Les trois têtes d'une seconde chimère, et avec rien du tout d'humain, se balancent lentement, comme si la créature se demandait ce qu'il pouvait bien faire là. Et d'ailleurs, qu'est-ce qu'il fait là, pense-t-il, terrifié.




ÉTÉ 73
Angleterre, Maison Familiale Shaw


- Pour ceux qui n'ont jamais fait l'expérience, rencontrer une chimère est quelque chose d'agressif. Ce n'est pas pour rien qu'elles sont classés terriblement dangereuse. Quand les regards jaunes, violets et verts te dévisage, tu te sens comme sous son emprise, incapable de faire quoique ce soit, surtout si tu n'es pas supposé te retrouver là. Et puis une Chimère crache du feu... un puissant feu... brûlant, horriblement brûlant... alors sois poli quand tu parles d'une chimère. Elle n'auront aucune pitié pour toi, jamais.

Le gamin regarde son oncle, perplexe devant la brusquerie des propos.

- Voyons, Nigel, il n'a que 5 ans. Et puis, qu'est-ce que tu y connais en chimère ? T'en a jamais croisé à ce que je sache !

Nigel dévisage sa petite soeur quelques secondes, l'air sérieux, puis sourit.

- Non, Carmine, bien sûr que non.