Nouvelle année (j'anticipe)

Invité

Qui est cette fille qui me regarde ? Quels sont ses yeux qui me scrutent ? Je ne connais pas cette personne. Elle m’est étrangère pourtant, ils me disent que c’est moi…Mon reflet.
Je ne les crois pas…Je ne la connais pas !
Ces lèvres roses et charnues, ces yeux noisettes à la lueur malicieuse, ces hautes et aristocratiques pommettes…Seraient-ce les miens ?
La jeune femme avança lentement une main tremblante et la posa sur la surface plane du petit miroir dans lequel elle se contemplait. Elle porta son autre main à son visage…Une peau pâle…Des traits réguliers…Sa main descendit lentement vers ses lèvres puis vers son cou…Elle toucha ses longs cheveux châtains.
D’un geste empli de désarroi et de colère, la jeune femme balança son bras en direction du miroir et l’envoya se briser sur le sol.
Elle se sentait perdue, complètement désemparée. Nulle reminescence, nul souvenir ne venait égayer son esprit vide…Ses lèvres tremblèrent. Elle promena son regard dans la pièce où elle se trouvait. Elle avait envie de pleurer mais se retint : ce n’était pas le moment de se montrer faible. Elle avait besoin de prendre l’air. La jeune fille se dirigea à grands pas vers l’une des fenêtres de la chambre qu’on lui avait attribué. Elle l’ouvrit puis s’y accouda, offrant son doux visage au vent. Quelques mèches de ses cheveux voletaient devant son visage. Ses yeux étaient clos. Elle s’abandonnait lentement dans une attitude langoureuse.

« Gemma… »
Ce mot lui était venu instinctivement, telle une parole salvatrice. Elle ne savait pas d’où lui venait ce prénom, peut être était-ce le sien ? Là encore le doute persistait. Peut être était-ce un vestige du passé…Peut être était-ce simplement le néant. La jeune fille s’essuya le coin de l’œil du revers de la main. Déjà, de l’autre côté de la porte, des pas résonnaient contre le marbre et le bruit se répercutait en un échos sourd et glacial dans le long corridor. La jeune fille ferma rapidement la fenêtre. Un sentiment étrange mêlé de peur et d’anxiété avait pris place dans son cœur. La porte s’ouvrit et livra le passage à un homme de petite taille, au crâne chauve. Il adressa à Gemma un bref sourire dénué d’émotion. Puis il s’approcha d’elle. Il tenait dans sa main droite une sacoche moldue noire et unie qu’il déposa sur le bureau où était précédemment posé le petit miroir. En le voyant brisé sur le sol, il poussa un soupir et leva les yeux au ciel. La jeune fille baissa la tête et s’excusa. L’homme ouvrit la sacoche et en extirpa un parchemin sur laquelle était tamponnée une en-tête dorée représentant un blaireau, un lion, un serpent et un aigle, puis une baguette magique.

« Vous êtes attendue à Poudlard, mademoiselle. Qui que vous soyez, vous êtes une sorcière… »

Gemma releva la tête vers l'homme. Son regard était dénué de tout sentiment. La jeune fille regarda le destinataire de la lettre, c'était elle : GemmaJane Wickam.

*Est-ce réellement moi ?" songea-t-elle.

L'homme jeta un regard à sa montre et hocha la tête. Il indiqua à la jeune femme qu'aujourd'hui était le premier septembre, jour de la rentrée des classes.

"Je vais vous conduire à la gare."

Voilà donc pourquoi Gemma Jane Wickam se trouvait là, seule dans un compartiment du Poudlard Express avec pour tout bagage un sac de toile.

Invité

Mal aux yeux. Le soleil caressait pourtant avec douceur les draps bleus de son lit, mais il lui sembla que la lueur était trop forte ce jour-là, et elle ne voulait pas encore se lever ; il était si tôt. Cependant, avec un court soupir, elle repoussa sa couette, et s'assit, quelques instants immobile, avant de reprendre la situation en main : si elle voulait profiter de la matinée, il fallait un peu se hâter. Ses bagages étaient prêts depuis l'avant-veille, ce qui était plutôt rare, car, d'habitude, elle faisait toujours les valises à la dernière minute, mais elle savait que la rentrée était importante et que le Poudlard Express ne l'attenderait sûrement pas. S'étirant sans vraiment de grâce quelconque, elle attarda ses yeux sur le grand miroir au-dessus de l'étagère, puis soupira : il y avait encore beaucoup à faire avant de pouvoir aller à la gare. Les vêtements qu'elle avait choisi de mettre étaient installés sur une chaise vernie de bois noir, et elle s'habilla assez vite, en faisant attention à ne rien oublier. Puis, elle descendit dans la Salle à Manger dans l'Auberge où elle vivait depuis une semaine ; l'endroit était frais et encore plutôt silencieux ; elle salua l'hôtesse d'un signe de tête, en lui commandant un jus d'orange et tout ce qui peut former un petit-déjeuner anglais. Mangeant avec appétit, mais cette fois distinction, elle profitait pour parler un peu avec la femme, qui était quelque peu jouflue, un sourire gai aux lèvres, et un regard bienveillant. Les rumeurs couraient bon train sur le Chemin de Traverse et la femme lui parlait donc de tout le monde et n'importe qui, alors que Topaze n'en connaissait pas le dixième, mais peu lui importait ; c'était une conversation amusante en somme. Et cela la détendait, l'empêchant de penser à la rentrée qui ne tarderait plus. Quand elle fut fini de manger et boire calmement, elle la salua d'un signe de tête et remonta vers sa chambre, où elle passa un coup d'eye-liner sous ses yeux, quelques pincées de poudre sur les joues, et se sentit prête à s'en aller. Sa vie prenait un nouveau tournant, aussi, elle se dit qu'il ne fallait rien oublier en arrière ; elle retrouva un livre posé à côté de la baignoire, une brosse à cheveux sur sa table de nuit, et un marque-pages dans un tiroir ; lorsqu'elle eut tout regroupé, elle se lança un clin d'oeil dans le miroir, et ferma doucement la porte derrière elle.

Avec sa valise volant sveltement derrière elle, elle alla dire au revoir à l'aubergiste, avec nombre de serrements de mains, de "à bientôt", et de sourires échangés, puis elle transplana dans les toilettes de la Gare, pour ne pas se faire voir des Moldus. Heureusement, il n'y avait personne dans la cabine où elle atterrit, ni dans les toilettes d'ailleurs, car, à part le Poudlard Express, aucun train ne partait à cette heure-ci ; le lieu était plutôt sale, et elle ne s'y attarda pas. La porte claqua derrière elle, mais déjà, elle cherchait le Quai 9, pour trouver celui où elle devait aller ; elle était évidemment déjà allée à Poudlard, élève, et puis récemment, pour voir Riku Harada ; en ce moment-même, elle s'étira longuement, et passa par le mur en une discrète élégance. Le sifflement du train retentissait dans tout le Quai en effervescence ; parents et enfants s'embrassaient sans plus finir, prévenant les mois où ils seraient séparés ; pourtant, les adolescents semblaient plus distants, et heureux de retrouver leurs amis pour une nouvelle année à Poudlard. Le contrôleur cria depuis le train que celui-ci ne tarderait pas à partir, et Topaze entra doucement, à la suite des élèves qui la regardaient avec admiration ou dédain, selon les caractères respectifs, dans le train. Elle avançait calmement, regardant à travers les portes vitrées les compartiments et les personnes à l'intérieur ; elle ne voulait pas aller dans celui des Professeurs, car le voyage serait tranquille pour elle, et non pas des mises en valeur. Pas tout de suite. Enfin, elle trouva un compartiment où seule une élève, au visage fin mais triste, était déjà assise ; elle frappa doucement à la porte, et entra, s'asseyant près de la fenêtre.

"Bonjour, jeune fille, dit-elle d'une voix douce. Attends-tu quelqu'un ou je peux m'asseoir ici?"

Invité

Les pensées se bousculaient dans la tête de Gemma Jane. Qui était-elle ? D'où venait-elle ? Elle se mordit la lèvre infèrieure afin d'empêcher les larmes de monter à ses yeux. La jeune fille se sentait perdue et seule. Elle n'avait pas de point de repère et personne à qui se rattacher. Son esprit valdinguait et son coeur s'emballait par intermittence. Elle ne cessait de porter ses mains à ses cheveux dans un geste frénétiquement machinal. Elle jouait avec, les lâchait, les retenait, jouait de nouveau, portait son regard à l'extèrieur du Poudlard Express et sur la foule. Cette foule dense et compact de parents et d'enfants qui s'embassaient et se séparaient. Des parents...En avait-elle ? La recherchaient-ils ? Qui étaient-ils ? Toutes ses questions continauient à se bousculer ainsi, obsédantes, entêtantes. Gemma Jane lâcha son bras dans le vent dans un geste rageur comme pour les chasser. C'était une habitude, repousser les choses afin d'y repenser plus tard. Tout remettre au lendemain et s'endormir le soir avec cette désagréable impression de peur et de stresse mêlés.

"Plus tard..Plus tard..." murmura-t-elle.

Soudainement, la porte du wagon s'ouvrit, cédant le passage à une charmante jeune femme. Grande et mince, elle avait un visage fin et ses grands yeux bleus lui mangeaient le visage. Son visage était encadré par de longs cheveux châtains. Ils avaient de magnifiques reflets et sortaient de l'ordinaire. Elle regardait Gemma Jane et s'adressait à elle. La jeune fille mis quelques secondes à comprendre ce qu'elle lui disait tellement elle était à côté de la plaque. Elle hocha la tète puis désigné de la main la banquette qui se trouvait en face d'elle.

"Non, vous pouvez venir bien entendu," répondit-elle.

La jeune fille détailla discrètement la jeune femme. Elle était plus âgée et plus mûre. Cela se ressentait dans ses gestes et dans cette assurance naturelle qu'elle dégageait. Peut être travaillait-elle à Poudlard ? Peut être pourrait-elle lui dire...qui elle était...? Gemma Jane chassa cette idée de sa tête. Si elle avait été l'un de ses professeurs, elle l'aurait déjà appellé par son prénom ou encore par son nom de famille. Gemma Jane baissa son regard sur ses pieds.

Invité

A l'extérieur, le temps était beau, et c'était un premier septembre qui promettait d'être agréable pour les promenades en pleine nature ; à coup sûr, beaucoup d'Anglais en profitaient avant la rentrée. Pour les élèves de Poudlard, cependant, c'était le jour de la Répartition, et l'emménagement dans les dortoirs, le contact renouvelé avec le Château ; Topaze en frissonnait presque d'impatience. Dès qu'elle fermait les yeux, elle revoyait les lumières vacillantes des torches dans les couloirs, la Grande Salle où elle avait été répartie à Serdaigle, il y avait des années maintenant, la Bibliothèque, où elle passait la majorité de son temps, lisant avidemment les mille ouvrages de l'Académie. Puis, elle rouvrait les yeux, et se sentait prise comme d'un charme qui l'aurait ensorcelé, et le souvenir de Poudlard restait présent en elle, faisant battre son coeur à la chamade : bientôt elle serait une de ces Professeurs qu'elle avait écouté attentivement durant sept ans. Tout comme Nathan, son grand frère, avec qui elle devrait bientôt parler ; pourtant, elle n'avait pas encore osé aller le voir, ni Amy, car que se passerait-il s'ils étaient énervés de sa longue disparition? Pourtant, un sourire était installé sur ses lèvres, et on aurait dit ne jamais pouvoir le lui ôter ; mais quand Topaze vit le visage bouleversé de Gemma, alors, son sourire disparut, puis renaquit mais sous une autre forme, plus triste. Les traits quasi décomposés de la jeune fille, les larmes qui perlaient dans ses yeux, l'incompréhension qui scintillait sur son visage, et ces gestes frénétiques qui l'habitaient montrait un chagrin ou bien un dépaysement indicibles. Topaze ne supportait pas de voir les gens souffrir, elle qui n'avait connu que le bonheur durant sa vie, ou presque, c'était comme lui tordre l'âme que de pleurer devant elle ; ainsi, elle prit une bouffée d'air et regarda ostensiblement Gemma.

"Jeune fille, dit-elle d'une voix douce, pourquoi pleures-tu? Et pour quelles raisons une aussi jolie femme paraît aussi chagrinée et perdue?"

Topaze resta longtemps en la regardant, en silence, comme perdue elle aussi dans la majestuosité de ses yeux rouges et tristes, dans la grâce même de ses cheveux, qui tombaient sur ses épaules, puis qu'elle ramenait en arrière, et ainsi de suite. Un sac en toile était posé près de la jeune femme, dont la Professeur ne savait pas le nom, car étant nouvelle, de cette année seulement, elle n'avait eu l'occasion de rencontrer ses élèves. Pourtant, pour une première rencontre, elle se dit tristement que c'était un moment bien chagrin, par rapport à ce qu'elle avait imaginé. Mais peut-être ainsi elle tisserait des liens avec cette... Gemma. C'était écrit sur une étiquette qui pendouillait du sac, un peu cachée sur le siège.

"Gemma... Gemma Jane Wickam, murmura alors Topaze d'un air rêveur."